La fin des éléphants blancs ?

Chère amie, cher ami,

Il y a quelques mois deux médecins pionniers, le Dr Dominique Eraud et le Dr Fernand Vicari ont organisé à Nancy le premier Congrès mondial des Thérapies Complémentaires et des Pratiques Innovantes. Leur objectif était de mettre en présence des médecins conventionnels et des praticiens de ces thérapies complémentaires afin de pouvoir en dégager une méthodologie pour les évaluer.

Nous avions à l’époque interviewé le Dr Dominique Eraud sur le sujet. (Vous retrouverez son interview ici si le vous le souhaitez).

Cette fois-ci, je vous propose de passer un peu de temps avec le Dr Fernand Vicari qui est un homme engagé, ayant lancé au cours de sa carrière de multiples projets. C’est un médecin compétent (à la retraite désormais) dont le travail a toujours été tourné vers les autres. Curieux de tout, sceptique, quand il le faut, et aventurier par tempérament, le Dr Vicari ouvre des pistes de réflexion pour les institutions et crée des lieux ou des projets de rencontres pour tous.

Il a travaillé avec l’ensemble des acteurs de la santé – y compris l’industrie pharmaceutique – tout en restant libre, critique et bien bienveillant. Ce sont des qualités rares aujourd’hui !

Il a beaucoup œuvré pour rapprocher le monde médical (et scientifique) et les praticiens des médecines complémentaires. Ce n’est pas un défi simple, surtout en France. Il a ainsi connu des écueils et de beaux succès que je vous laisse découvrir à travers son interview.

Il est gastro-entérologue. Il a créé un projet autour du bien-être : les Éléphants Blancs et actuellement édite une revue médicale, HEGEL, qui a publié les actes du congrès dédié aux thérapies complémentaires et en assurera le suivi.

Il sera également présent en tant qu’orateur à notre Congrès des 1er et 2 octobre 2016 où il donnera, avec le Dr Dominique Eraud, une conférence sur la question de l’évaluation des thérapies complémentaires.

Il est encore possible de s’inscrire à notre Congrès ici.

Bonne lecture !

Augustin de Livois

IPSN : Dr Fernand Vicari, Comment en êtes-vous venu à vous intéresser aux médecines naturelles ?

Dr Fernand Vicari : Elles sont arrivées naturellement à moi. Par mon métier d’abord : je suis gastro-entérologue. Par l’édition aussi dans laquelle je suis tombé dès le début de ma carrière. Ce n’était pas prévu non plus ! Mais nous y reviendrons.

Tout a commencé, il y a 20 ans, par mon amitié avec le Doyen de la Faculté de médecine de Nancy, le Pr Alain Dupré. Ensemble et avec un autre ami, le Pr Philippe Hartemann, qui était chef de service de Santé Publique à l’hôpital de Nancy, nous avons eu envie de créer un Centre du bien-être à Nancy. Nous avions en effet remarqué que de nombreuses personnes travaillaient dans le domaine du bien-être mais que les médecins ne savaient pas en quoi consistait leur travail. C’était avant que les ostéopathes ne soient reconnus et que l’on parle des naturopathes. À l’époque, il existait comme un mur entre ces deux mondes. Mais déjà, le public s’intéressait de plus en plus aux thérapies complémentaires.

Le centre que nous voulions créer devait porter le nom d’Éléphants Blancs. Éléphants pour « expérience » et Blancs pour « médecins ».

Nous avions réuni une équipe de médecins universitaires particulièrement compétents dans les domaines que nous voulions cibler : nutrition et diabétologie, neuropsychiatrie, dermatologie, immuno-allergologie, chirurgie plastique et maxillo-faciale, cardiologie, spécialistes de la main, du pied etc.

Sous leur expertise et responsabilité allaient pouvoir s’exprimer des praticiens, souvent professionnels de santé mais pas seulement, compétents dans leur domaine.

Malgré l’état avancé du projet, les élus locaux ont mis un veto à sa réalisation afin qu’il ne puisse pas nuire au développement d’un autre projet en cours, celui de la reconnaissance de la ville de Nancy comme station thermale.

Ce label est actuellement acquis depuis 2014 et les Éléphants Blancs sont associés à la réflexion du groupe « comité des sages » mis en place. A l’occasion de la préparation du congrès de Nancy, l’association (loi de 1901) les Eléphants Blancs a été dissoute et immédiatement remplacée par le GETCOP (Groupe d’évaluation des thérapies complémentaires personnalisées), organisateur du congrès et dont l’objectif actuel est de mettre en place les structures d’évaluation.

IPSN : Et donc ? Comment un médecin « classique », comme vous s’est-il passionné pour la santé naturelle ?

F.V. : J’ai vu un jour une émission sur la phagothérapie. (Note de l’IPSN : Sur ce sujet vous pourrez retrouver l’un de nos articles ici). Cela se passait en Géorgie et j’étais très intrigué par ces virus guérisseurs d’infections. Je suis allé à un congrès organisé par l’APSAMED, il y a quelques années à Marseille, où j’ai rencontré le Dr Alain Dublanchet, spécialiste du sujet en France, qui a collaboré au Congrès des Thérapies Complémentaires et qui fait partie du comité éditorial de la revue HEGEL.

De fil en en aiguille, j’ai découvert le formidable travail de terrain fait par les uns et par les autres. Je suis allé à des congrès organisés par Marion Kaplan. Tous ces acteurs de la santé naturelle se sont mobilisés, ont créé des événements et ont permis la diffusion d’idées nouvelles. Je leur rends hommage, même si je reste critique si cela est nécessaire.

IPSN : Vous aimez rappeler que vous gardez votre esprit critique et votre liberté par rapport aux tenants de la santé naturelle. Est-ce parce que vous craignez de rencontrer des personnes malhonnêtes ou peu sérieuses ?

F.V. : Peut-être y a-t’il des personnes malhonnêtes parmi les praticiens dans les thérapies complémentaires. Mais il faut admettre qu’il y a aussi des charlatans chez certains médecins. Et quand l’industrie pharmaceutique joue sur les seuils acceptables de niveau de cholestérol pour vendre plus de médicaments, je trouve cela scandaleux et n’hésite pas à le dire !

Il y a des polémiques. L’important pour moi est de réunir les gens, de leur donner la possibilité de confronter leurs idées et de susciter le débat de manière loyale.

Les difficultés rencontrées lors de la préparation du congrès de Nancy, nous ont permis de voir avec qui nous pouvions travailler pour défendre plus efficacement ces médecines complémentaires.

En mettant en place ce congrès, je n’ai pas cherché à faire la promotion des thérapies complémentaires mais j’ai essayé, coûte que coûte, de les comprendre, de chercher comment pouvoir les évaluer. J’espère que nous avons pu être utiles aux personnes qui travaillent dans ce domaine avec dévouement, honnêteté et compétence. Bien sûr, il y a sans doute des limites et des gens malhonnêtes dans ce secteur.

Si ces gens-là existent, comme les sectes qui profitent de la souffrance des autres, il faut lutter contre eux et leurs agissements et les condamner quand on a les preuves. Une réflexion qui revient sans cesse et qui mérite d’être constamment gardée à l’esprit est le rôle de l’effet placebo, ainsi que l’importance de la relation humaine entre le soignant et son patient.

IPSN : Vous avez également une activité d’éditeur à laquelle vous tenez beaucoup. Pouvez-vous nous expliquer plus en détail ce que vous proposez ?

F.V. : Comme pour la santé naturelle, je suis tombé dedans par hasard, si tant est qu’il existe.

À la fin des années 60, je suis entré dans la plus ancienne des sociétés d’endoscopie. C’était la SMIER : société médicale internationale d’endoscopie et de radio-cinéma. Leur revue peinait ; à trois reprises, il y a eu dépôt de bilan. On m’a proposé de reprendre le flambeau.

C’est alors que j’ai créé une nouvelle revue, qui s’appelait « Acta Endoscopica ». Elle est rapidement devenue bilingue français/anglais, et a très bien fonctionné. Je l’ai cédée à la firme Springer, il y a 7 ou 8 ans. Elle est toujours la revue officielle de la Société française d’endoscopie digestive.

Par la suite, en fondant la maison d’édition ALN, j’ai créé d’autres revues et documents, notamment pour l’industrie pharmaceutique. Finalement, il y a six ans est née la revue HEGEL.

IPSN : Pourquoi votre revue s’appelle t’elle HEGEL ?

F.V. : HEGEL veut dire Hépato Gastro-Entérologie Libérale. Je ne pensais pas du tout au philosophe ! La revue a été mise en place avec l’INIST (CNRS à Nancy). C’est une revue indexée à comité de lecture.

Elle avait pour objectif de se développer dans trois directions :

  • Des articles de gastro-entérologie : mises au point, essais cliniques, cas cliniques,

  • Des mises à jour dans d’autres disciplines,

  • Une partie culture.

Rapidement, la revue a dépassé de beaucoup nos objectifs. Elle est devenue une véritable revue de santé publique et couvre de nombreux sujets médicaux et culturels.

C’est ce qui nous a amenés à ne plus retenir que le nom du philosophe HEGEL et son adage : « Penser par soi-même ». La direction éditoriale est assurée par le Pr Nouzha Guessous (Casablanca), ex-présidente du comité d’éthique de l’UNESCO, le Dr Guillaume Bonneau, particulièrement compétent en e-santé, et le Dr Jean-Marie André pour la rubrique culture.

En résumé, je dirai que HEGEL est une revue scientifique référencée à comité de lecture qui édite des articles originaux, des synthèses, des cas cliniques, des essais thérapeutiques et observatoires. Les sujets traités concernent de plus en plus les thérapies dites « complémentaires ».

Chaque numéro comporte également des rubriques de nature culturelle et historique. Destinée principalement à tous les professionnels de santé, HEGEL est également partiellement accessible au grand public curieux des « faits de santé ». La revue comporte 4 numéros par an de 100 pages environ.

Si vous souhaitez vous abonner à la revue Hegel, rendez-vous ici.

Il est aussi possible pour des annonceurs de soutenir la revue. Pour cela, adressez-vous directement à :

ALN Editions

127 rue Saint-Dizier

54000 NANCY

Tél : 03 83 37 44 38

aln.editions@gmail.com

IPSN – Vous avez œuvré toute votre vie pour le rapprochement entre les professions de santé. Pourquoi est-ce important pour vous ?

F.V. : Récemment dans un article du journal le Monde, j’ai lu que des médecins gynécologues s’émouvaient des prérogatives accordées aux sages-femmes. C’est typiquement le genre de chose qui n’a pas de sens. Les gynécologues devraient être contents d’avoir des collaboratrices compétentes.

En réalité, aujourd’hui on manque de gynécologues et on manque de sages-femmes. Ils devraient créer des groupes de concertation, réfléchir ensemble à la meilleure manière de faire coopérer ces compétences pour le bien-être du patient. C’est tout de même la chose la plus importante !

Les médecins et les professionnels de santé doivent se rendre compte que le meilleur moyen d’être efficace pour soigner aujourd’hui est de mettre en place des coopérations fructueuses. C’est vrai, notamment pour les maladies chroniques. En effet, lorsque l’on est confronté à une crise aiguë, soit la science dispose d’une solution, soit malheureusement le patient meurt. Pour des maladies chroniques, lorsque l’on n’a rien réussi avec les thérapies conventionnelles, il est nécessaire de rechercher des solutions ailleurs. Ces solutions existent peut-être et il est bon d’en discuter tous ensemble. C’est le concept de la médecine intégrative pour laquelle vous trouverez de nombreux articles dans la revue HEGEL.

Le rôle des thérapies complémentaires en matière de prévention et de conservation, ou de récupération du bien-être est insuffisamment connu et mérite d’être développé. Les études de médecine devraient à l’avenir en tenir compte. Pour le Congrès de Nancy a été mise en place une section « GETCOP junior ». Une vingtaine d’étudiants en médecine – dont la major de première année, volontaire – nous ont accompagnés tout au long de la manifestation. Ils nous ont dit leur souhait d’être informés à l’occasion de nos autres événements.

IPSN : Quel bilan tirez-vous de cette initiative ?

F.V. : Sur le plan scientifique, cela a été un succès.

La lecture du numéro spécial de HEGEL et des suivants vous donnera tous les détails. L’éditorial rédigé par le Pr Hartemann dans le numéro de HEGEL à paraître en octobre met en évidence le rôle fondamental joué par la session « universitarisation des thérapies complémentaires » pour la poursuite de notre projet.

Nous vous vous proposons cet éditorial en avant-première. Retrouvez-le ici.

À présent, notre objectif est de poursuivre par des congrès de ce type tous les deux ans avec dans l’intervalle des « workshops » monothématiques.

IPSN : Le Dr Fernand Vicari interviendra avec le Dr Dominique Eraud lors du 2ème Congrès International de Santé Naturelle. Vous pouvez toujours vous inscrire ici.

 


2 réponses à “La fin des éléphants blancs ?”

  1. Reuter dit :

    Bonjour, mon compagnon et moi sommes porteur d’une bactérie responsable des ulcères à l’estomac, Helicobacter pilori. Je cherche une alternative aux antibiotiques. Existe-t-il en Phagothérapie, un virus pour éliminer cette bactérie? si oui, ou et comment peut-on se la procurer?
    Mon compagnon suit actuellement une phytothérapie qui maintient la bactérie en nombre acceptable. Pour ma part je ne fais rien d’autre que limiter mon alimentation au végétarisme sans gluten ; dès que je sors de ce cadre ou fais des excès de sucre mon estomac se fait sentir +++.
    merci de bien vouloir nous répondre.
    au plaisir de vous lire
    Myriam Reuter

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