Un métier assassiné !

En France, l’herboristerie a subi une véritable mise à mort politique. En fait, deux décisions réglementaires ont suffi pour sortir les herboristes du jeu, pour le plus grand profit des pharmaciens.

D’abord, on a eu l’hypocrisie solidaire. En 1930, une loi crée la couverture sociale et pose le système de santé que nous connaissons : l’industrie fabrique, le médecin prescrit, le pharmacien distribue et les assurances sociales régalent [1]. Les herboristes, « oubliés » dans les prescriptions des médecins, sont, de fait, exclus du trio gagnant.

Cela ne suffit pas à tuer les herboristes qui gardent la confiance de beaucoup de patients et en particulier des paysans. Le pouvoir n’accepte pas longtemps cette anomalie. Sous pression des pharmaciens, il supprime le diplôme d’herboriste en 1941. Exit la médecine du passé. On compte pourtant à ce moment-là plus de 4 000 herboristes pour 11 000 pharmaciens. L’herboriste, même s’il cède du terrain face à la molécule chimique triomphante, est encore bien en place. Bref, le moribond n’en n’était pas un et puisqu’il refusait de mourir de lui-même, on l’a assassiné.

Il ne reste aujourd’hui qu’une poignée de résistants que l’IPSN soutient à 200 % ! Mais ce qui me donne un immense espoir, c’est que ce métier essentiel, j’en fais la prédiction, va revenir en force dans nos campagnes et même dans nos villes.

Le monopole fantôme
Parlez du retour des herboristes à un représentant de l’ordre des pharmaciens, il vous dira que c’est impossible : ce serait céder une part de l’exercice de la profession à des concurrents. On peut comprendre ce réflexe corporatiste. Sauf que ce monopole de fait, les pharmaciens ne l’utilisent même pas !

Dans le parcours de l’étudiant en pharmacie, la botanique et l’herboristerie occupent une place accessoire pour ne pas dire anecdotique (même si certains murmurent que les temps changent) et l’idée de faire six ans d’études pour se retrouver sur les marchés ou dans une boutique à vendre des plantes en vrac ne lui fait que rarement envie.

A l’inverse, chaque année, des centaines de personnes (y compris des pharmaciens) sont formés à la connaissance des plantes par les écoles d’herboristerie (Ecole Lyonnaise de Plantes Médicinales à Lyon, Ecole des Plantes de Paris, Inderplan à Montpellier, l’IFPA en Ariège et les autres) qui, avec les producteurs de simples, ont su garder vivante notre tradition de l’herboristerie.

Messieurs les pharmaciens, si l’herboristerie ne vous intéresse pas, n’empêchez pas les autres de la pratiquer !

Vers une herboristerie scientifique !
La reconnaissance de la phytothérapie par le ministère de la Santé en 1988 a redonné de la valeur aux plantes médicinales. Elles suscitent même l’engouement de nombreux chercheurs et de laboratoires pharmaceutiques. Ce tournant a renforcé nos connaissances des plantes et les savoirs traditionnels ont souvent été confirmés. Par exemple, la Fondation Antenna a récemment financé des études indépendantes sur la spiruline démontrant l’utilité de cette algue, riche en micronutriments, dans l’alimentation des petits enfants.

Ce mouvement est tel que l’industrie elle-même commence à s’intéresser de près aux plantes et à leurs vertus. Ainsi, Jean-Marie Pelt a écrit :

« Sont aujourd’hui repérées, répertoriées, et consignées partout dans le monde des plantes réputées actives et dont il appartient à la science moderne de préciser les propriétés et les usages – une tâche à laquelle s’emploient d’innombrables laboratoires publics ou privés. (…) Ces entreprises – Monsanto à leur tête – ont ainsi entrepris d’écumer littéralement la planète, passant au peigne fin les jungles les plus hostiles. » [2]

C’est une raison supplémentaire pour le retour de l’herboristerie : éviter de laisser ce savoir aux grandes firmes pharmaceutiques !

La création d’un nouveau métier : l’homme plante
L’expression est de Patrice de Bonneval, herboriste à Lyon et fondateur de l’Ecole Lyonnaise des Plantes. Lors du premier Congrès des herboristes à Paris, en 2013 [3], il exprime cette idée pour rappeler que le rôle de l’herboriste est d’être un lien entre hommes et plantes.

Voilà votre herboriste moderne : il connaît les plantes, sait les mélanger et défend l’environnement et la biodiversité. Compétence précieuse qui s’épanouira dans les marchés, les boutiques, les salons bios et de naturopathie et qui sait… peut-être dans les pharmacies ?

Le législateur, c’est bien connu, a toujours un temps de retard. Avant même qu’il ne se décide à voter une loi nouvelle, on verra ici et là apparaître des boutiques qui revendiquent les compétences et les valeurs de l’herboristerie. J’en veux pour preuve l’ouverture toute récente du Nouvel Herbier à Toulouse. C’est une herboristerie nouvelle génération qui propose des plantes et des produits dans une logique d’entretien de la santé. Si vous êtes du coin, n’hésitez pas à leur rendre visite, elle est au 2 bis rue d’Alsace-Lorraine. Qu’on se le dise, les herboristes ont du répondant !

Michel Pierre ne me contredira pas, lui qui vient de sortir un nouveau livre : « Les plantes du bien être » aux éditions du Chêne. Je vous conseille de courir chez votre libraire pour aller le chercher, c’est un régal !

Enfin, les herboristes étant décidés à faire connaître et reconnaître leur profession, ils organisent une deuxième édition du Congrès des herboristes qui aura lieu à Lyon les 17 et 18 mai 2014. Les inscriptions sont ouvertes ici.

Vous pouvez consulter le programme ici.

Avec tout mon dévouement,

Augustin de Livois

PS : Pour les parisiens, nous proposons le 10 avril une rencontre sur le thème : Tout ce que vous avez voulu savoir sur l’acupuncture (sans avoir jamais osé le demander !) avec Jean Motte, fondateur de l’école d’acupuncture Imhotep. Vous trouverez le programme ici.

 

 


[1] Remplacées en 1945 par la Sécurité sociale

[2] Les nouveaux remèdes naturels, Fayard 2001

[3] Organisé par l’IPSN, Natura Mundi, l’ELPM et l’Herboristerie du Palais Royal

10 réponses à “Un métier assassiné !”

  1. Anne Liger dit :

    Bonjour,

    J’ai toujours rêvé d’être herboriste et je soutiens votre cause. Et j’avais entendu parler qu’ils allaient remettre en circulation le diplôme d’Herboriste. Avez-vous des nouvelles, svp ? Si oui savez -vous où puis-je me renseigner svp ? Merci par avance
    Bien Cordialement

    Anne liger
    Tél 06 20 55 14 04

  2. Bonjour,
    Sur le programme de la rencontre autour du thème « Tout ce que vous avez voulu savoir sur l’acupuncture (sans avoir jamais osé le demander !) » avec Jean Motte, fondateur de l’école d’acupuncture Imhotep, l’horaire n’est pas indiquée. Pourriez-vous la préciser? Merci beaucoup,
    (il me semble en outre que l’on ne peut pas s’inscrire bien que vous le proposiez)
    Bien à vous,
    Pauline

  3. Claude dit :

    Pour le developement de l’acupuncture.

  4. courau dit :

    Je suis allée chez l’herboriste Bachoué cours Clemenceau à Bordeaux pour savoir s’il connaissait la » mauve frisée » vendue sur internet par DIETWWORLD sous le nom de B.Slim ,tisane minceur TRANSIT .DETOX sous la forme d’infusettes . La plante n’est pas connue par cet herboriste.
    En la prenant de temps en temps et non régulièrement j’ai perdu 5 kg sans le vouloir en 3 semaines sans obtenir le résultat attendu d’un transit plus régulier !
    Connaissez-vous cette plante qui ne pousserait qu’en Amérique du sud ? Est -elle vendue en France par des herboristes ?

  5. Banet dit :

    Je m’intéresse depuis de nombreuses années aux plantes médicinales, j’ai travaillé aussi avec la tradition chinoise et je souhaiterais connaître le parcours pour accéder à un diplôme d’herboriste.
    Je suis assez bio et veut continuer durant mon parcours de vie à faire savoir à pas mal d’individus vu la crise actuelle qu’ils peuvent utiliser beaucoup de plantes en prévention pour la santé.
    Cordialement

  6. arienti dit :

    Pour un profane que je suis, et qui voudrait savoir comment se soigner par les plantes dans sa région, quelle est la journée « conseillée » pour le congrès des herboristes où quel est le meilleur rendez vous au cours d’une de ces journées. Merci pour votre réponse. Par ailleurs connaissez vous des herboristes dignes de ce nom près de chez moi ?

  7. cirilli dit :

    Bonjour,
    peut on espérer une rencontre similaire sur marseille ?
    Merci et très bonne continuation

  8. Laouby dit :

    Et pour mieux faire, l’accès à la formation est restreint. J’ai demandé un devis à l’école Lyonnaise, qui par ailleurs a un service d’accueil très agréable, mais mon aventure et mon apprentissage s’est arrêté là, personne CIF, ASSEDIC, la région… personne n’a voulu me soutenir dans mon projet, ils ne financent pas ce type de formations, trop abstrait, inutile, médecine parallèle sans intérêt, aucune perspectives… brefff j’ai tout entendu, honteux. N’ayant pas les moyens de me financer le projet seule, j’ai fini par me financer moi même une formation de cosmétique artisanale mais c’est loin de répondre à ce que je souhaitais faire. C’est triste de devoir se restreindre à ce point et ouiii l’herboristerie et la connaissance des plantes médicinales est assassinée, la formation est uniquement accessible à ceux qui ont les moyens de se la payer. Je suis bien déçue.

  9. […] Un métier assassiné […]

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