Vous avez dit souveraineté alimentaire ?

Chère amie, cher ami,

Lorsque le confinement a été décrété, tout est allé très vite. 

Les populations ont eu peu de temps pour se préparer. 

Les frontières ont été fermées, certaines zones se sont trouvées isolées et les habitants se sont rués sur les denrées alimentaires. 

Le système agricole mondial est apparu au mieux inadapté, au pire totalement absurde. 

Vous trouvez que j’exagère ? 

Et pourtant ! 

La crise sanitaire a provoqué la fermeture des frontières, ainsi que l’arrêt de la restauration. Et cela a eu de lourdes conséquences sur le monde agricole :

  • Aux Etats-Unis : le cours du lait et du beurre ont chuté drastiquement. Les producteurs ont jeté entre 10 000 à 14 000 tonnes de lait par jour ! [1]
  • Au Canada, le même phénomène a été observé : des millions de litres de lait ont été vidés dans les champs en Ontario, dans le Newfoundland et le Labrador [2]. Les fermiers sont désespérés. 
  • La crise du lait sévit également en Europe [3]. Cette crise pourrait avoir un effet sur les producteurs de lait d’Afrique de l’Ouest. En effet, pour l’instant les producteurs européens parviennent à stocker leur lait ou à le transformer en poudre. Mais dans 6 mois, le marché sera saturé, les prix s’effondreront et les revenus des agriculteurs aussi. La concurrence sera rude [3]
  • En France : l’agriculture s’est trouvée soudainement à court de main d’œuvre. Habituellement des dizaines, voire des centaines de milliers de travailleurs étrangers viennent aider les agriculteurs à faire leurs récoltes. 

Le gouvernement a dû faire appel aux volontaires français pour aller travailler dans les champs. L’opération n’a été qu’un demi succès, sur 300 000 candidats, seuls 15 000 auraient obtenu un contrat…[3]

  • En Bretagne, les producteurs de porcs se sont inquiétés de la fermeture des frontières de la Chine alors que 30% de leur production est destinée à ce pays [4] ;
  • En Chine, la crise sanitaire a fortement perturbé les chaînes d’approvisionnement [5] même si la production ne semble pas affectée par ailleurs [6] ; 
  • Partout dans le monde la crise sanitaire est venue bousculer un monde agricole déjà à l’agonie. Les plans d’aide se sont multipliés : au Japon le gouvernement prévoit de distribuer l’équivalent de 4,5 milliards d’euros aux agriculteurs pour les aider, aux Etats-Unis, un plan de 19 milliards de dollars est prévu…[7]

La crise sanitaire a permis de souligner à quel point les régions du monde sont interdépendantes sur le plan alimentaire car tous les pays se sont spécialisés. Les uns produisent le lait, la viande (Amériques, Europe), tandis que les autres font le fourrage (Amérique Latine) et d’autres encore les fruits et légumes (Afrique, Europe du Sud). C’est une aberration du point de vue de la biodiversité. Et c’est un système fragile pour tout le monde. Car toutes ces zones exportent mais sont complètement dépendantes des autres pour se nourrir. 

Et si le système se grippe, tout le monde est à la peine.  Ainsi, la France importe :

  • 50% de ses fruits et légumes alors qu’il y a 30 ans, nous étions autosuffisants [8];
  • 25% de viande de porc [8];
  • 34 % de viande bovine [8];
  • 50 % du fourrage des élevages [9].

Il n’y a pas si longtemps la France était totalement autosuffisante. Comment en est-on arrivé là ? 

Exportation ou autonomie alimentaire ? 

Pour de nombreux pays ou régions, choisir entre l’autonomie alimentaire et l’exportation n’est pas facile. 

Par exemple, sur l’île de la Réunion, la production de la canne à sucre s’est imposée sur une partie conséquente de l’île au détriment des cultures locales. 

Résultat : l’île importe la majorité des produits dont elle a besoin alors que l’essentiel pourrait être produit sur place. 

L’arrivée de la pandémie a donc pris les habitants de court car ils étaient nombreux à penser que leur île couvrait 60% de ses besoins, ce qui est le chiffre officiel [5].

La réalité est tout autre. A peine 10% des besoins alimentaires de l’île seraient produits sur place selon le Collectif Oasis Réunion ! [10]

La vitesse à laquelle se sont vidés les supermarchés de l’île et la lenteur des réapprovisionnements ont surpris de nombreux habitants [10]

Cela a permis une prise de conscience et aujourd’hui ce Collectif, en dialogue continu avec les autorités locales, pousse pour que l’île devienne la première région 100% bio et autosuffisante de France. Elle pourrait même retrouver une vraie autonomie alimentaire, comme c’était le cas avant l’adoption de l’agrochimie sur l’île à partir des années 50. 

Cela deviendrait un modèle pour tous les autres départements de France !

Vous pouvez lire et signer son manifeste ICI.

Surproduction et sous-approvisionnement 

Durant cette crise sanitaire, deux grands problèmes agricoles ont émergé :

  • la perte de débouchés a créé des zones de surproduction ;
  • la fermeture des frontières a fragilisé les régions qui importent leur alimentation.

La conclusion qui s’impose est simple : toutes les régions du monde doivent sortir du principe de spécialisation et se concentrer à nouveau sur des productions locales destinées à répondre aux besoins locaux, dans le respect du droit universel de l’Homme à l’alimentation inscrit à l’article 25 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. 

Rien n’empêche les pays agricoles de développer et transformer, par ailleurs, des produits agricoles de luxe dédiés à l’exportation, pour lesquels de petites surfaces pourraient être réservées. 

Ces productions se vendraient à bon prix, feraient l’image du pays ou de la région et ne mettraient pas en péril l’autonomie alimentaire locale.

Faire de cette crise une opportunité

La crise sanitaire actuelle nous a permis de mieux voir la fragilité du système agricole mondial. D’autres crises pourraient venir, notamment en raison du réchauffement climatique ou de pénuries énergétiques.

Il est grand temps de sortir de cette agriculture mondialisée industrielle, intensive, stéréotypée, basée sur la monoculture, les pesticides, la spécialisation à outrance et les fermes de très grande surface. 

Nous devons changer ce système pour des raisons écologiques, économiques et même de survie !

Faire évoluer la consommation

Pour en arriver à un modèle stable, autosuffisant, écologique et économique, il faut faire évoluer conjointement :

  • les modes de production agricoles ;
  • les modes de consommation alimentaires. 

Cela veut dire notamment faire baisser notre consommation de viande rouge. 

Plus de 50% du fourrage destiné aux animaux d’élevage en France vient d’Amérique Latine. Il s’agit pour l’essentiel de soja et de maïs OGM. 9 animaux sur 10 seraient nourris avec des OGM !

Les Français disent ne pas vouloir d’OGM dans leurs assiettes, pourtant ils continuent à manger massivement de la viande rouge !

Il n’est pas nécessaire d’en consommer plus d’une fois par semaine, et le bœuf peut se consommer une fois par mois… 

Pour les besoins nutritionnels, c’est suffisant. Au-delà, c’est déjà un excès, c’est déjà une gourmandise !

De même, le lait ne devrait pas être consommé par les adultes. 

Et compte tenu de la manière dont il est produit avec des vaches choisies pour leur productivité, un chauffage haute température et un niveau élevé d’antibiotiques consommés par les animaux, ce n’est pas un bon produit pour les enfants non plus !

Pour les enfants ne pouvant pas être nourris par leur mère, ce qui est bien sûr demeure l’idéal, restent les laits de chèvre bio, de jument bio ou d’ânesse bio mais ils sont assez chers. 

L’agriculture de demain 

Pour tous, il est évident qu’il faut redécouvrir les légumes du potager… et le potager !

Peut-être avez-vous entendu parler de la ferme du Bec Hellouin [11] ou de Sainte-Marthe [12] ou des cultures de tomates de Pascal Poot [13] ou encore des oliviers de Raphaël Colicci et son projet de ferme qui soigne : Oleatherme [14]

Toutes ces fermes utilisent des méthodes d’agriculture à la fois ancestrales et innovantes dont les avantages sont multiples. Ces paysans ont abandonné l’agrochimie pour pratiquer l’agrobiologie : la permaculture, l’agroforesterie, la culture en butte, le paillage généralisé, l’usage du compost, etc. 

Ces cultures :

  • sont très productives ;
  • sont adaptées à leur climat ;
  • consomment peu d’eau ;
  • n’utilisent pas d’intrants ou de pesticides chimiques de synthèse ;
  • elles ne polluent pas ;
  • au contraire, elles nourrissent les sols et les fertilisent ;
  • elles sont durables ;
  • elles rendent les agriculteurs autonomes ;
  • favorisent les variétés anciennes et la biodiversité ;
  • Etc. 

Visitez et écoutez ceux qui pratiquent cette agriculture.  

Ils sont compétents, indépendants, enthousiastes, résilients et visionnaires…

Leur travail est absolument remarquable. 

Sortir du catalogue et libérer les semences 

Si nous souhaitons retrouver l’autonomie alimentaire, cela passe par le développement de ce type de fermes. Et cela commence par la libération des semences. 

Car si ces fermes peuvent vendre leurs graines à des particuliers, il leur est impossible de les vendre à des agriculteurs sauf à ce que leurs semences soient répertoriées dans le catalogue. 

Il s’agit d’une liste de variétés autorisées à la culture par l’Etat. 

Mais y faire inscrire des semences nécessite un investissement important que seules de très grosses firmes agro-industrielles peuvent se permettre. Résultat : elles ont la mainmise sur les semences et sur l’alimentation dans le monde qui, hélas, sont devenues complètement standardisées !

Cela doit changer !

C’est pourquoi, je vous invite à signer la pétition que j’ai reçue il y a quelques jours sur les semences, et qui se trouve ici. 

C’est un enjeu CAPITAL pour notre avenir. 

Un grand merci 

Augustin de Livois

 


  1. https://www.paysan-breton.fr/2020/05/les-usa-jettent-du-lait/
  2. https://www.lci.fr/emploi/video-l-agriculture-manque-de-main-d-oeuvre-pour-les-recoltes-2153651.html
  3. https://www.marianne.net/economie/romain-dureau-la-crise-du-coronavirus-est-le-grain-de-sable-qui-bloque-l-agriculture
  4. https://www.francetvinfo.fr/economie/emploi/metiers/agriculture/covid-19-l-agriculture-commence-a-ressentir-les-effets-de-l-epidemie_3839893.html
  5. https://www.freshplaza.fr/article/9189027/le-coronavirus-perturbe-l-approvisionnement-en-produits-alimentaires-et-fait-grimper-les-prix-en-chine/
  6. http://french.peopledaily.com.cn/Economie/n3/2020/0421/c31355-9681993.html 
  7. https://www.tresor.economie.gouv.fr/Articles/2020/04/22/4-5-milliards-d-euros-pour-le-secteur-agricole-et-agro-alimentaire-le-japon-securise-ses-chaines-d-approvisionnement-alimentaire-et-protege-ses-productions-affectees-par-la-crise-du-covid-19 
  8. https://lexpansion.lexpress.fr/actualite-economique/les-animaux-d-elevage-francais-gaves-de-soja-ogm-importe_1383879.html
  9. https://www.reunionnaisdumonde.com/magazine/actualites/agroalimentaire-la-reunion-produit-60-des-aliments-qu-elle-consomme/
  10. https://oasis-reunion.bio/
  11. https://www.fermedubec.com/video/
  12. https://www.facebook.com/fermedesaintemarthe/
  13. https://www.youtube.com/watch?v=YWvw0l3XwuM 

Une réponse à “Vous avez dit souveraineté alimentaire ?”

  1. manon farmer dit :

    j’appuies totalement

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