Souveraineté alimentaire : les îles sont les premières intéressées

Chère amie, cher ami,

À l’heure du Covid-19, des confinements et des distanciations sociales, certaines zones du monde ont redécouvert la nécessité de la souveraineté alimentaire.

J’ai déjà eu l’occasion de vous parler de « Oasis Réunion ».

Ce projet a pour double vocation de transformer l’île de la Réunion en zone 100% biologique, et ce faisant, de rendre l’île autonome sur le plan alimentaire.

Il faut savoir que l’île ne serait aujourd’hui autonome qu’à 1 % de son alimentation.

Les chiffres officiels font état de 15 à 20% mais ils oublient d’inclure dans leur calcul les importations des engrais, des pesticides, des semences et de la nourriture pour le bétail.

Imaginez que pour une raison quelconque, l’île de la Réunion soit coupée du monde pendant deux, trois ou six mois : le risque de pénurie alimentaire, voire de famine, serait réel.

Il y a  860 000 habitants à la Réunion. C’est le département d’outremer le plus peuplé de France. Mais il est bien trop dépendant de la métropole.

Grâce au fabuleux travail de communication et de mise en relation des personnes sur l’île, le projet Oasis Réunion a largement sensibilisé la classe politique et les pouvoirs publics locaux.

L’enjeu maintenant est de les mobiliser.

En effet, le monde agricole de la Réunion en 2021, c’est essentiellement de la canne à sucre conventionnelle. Les intérêts industriels et économiques liés à cette activité, pourtant déficitaire et donc largement subventionnée, sont importants.

Est-il possible de trouver des objectifs communs entre la population locale et l’industrie du sucre  ?

Pour faire le point sur la situation, j’en ai discuté avec Bernard Astruc, un des coordinateurs de ce projet.

Voici l’interview que nous avons réalisée.

Le manifeste d’Oasis Réunion a déjà réuni plus de 30 000 signatures, pour un objectif déterminant de 40 000 signatures au 31/03/2021 vous pouvez y contribuer en le signant ici.

Bonne lecture !

Augustin de Livois

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Lettre Alertes Santé : Quel est la mission du projet Oasis Réunion ?

Bernard Astruc : Notre mission est d’informer et rassembler le plus possible de consommateurs autour du Manifeste d’Oasis Réunion pour le faire « acter » au plus haut niveau décisionnel et donc politique…

Nous sommes en train de réussir ce tour de force grâce à notre Manifeste, qui à ce jour a dépassé les 33 000 signataires !

Voilà quatre ans que nous sommes sur le pont. Il n’y a pas un responsable politique de l’île qui ne nous connaisse pas.

L’objectif, c’est de mettre tout le monde d’accord sur le “100 % bio”. Le projet ne pourra se faire que s’il y a un très large consensus au niveau de la population, des responsables politiques et des acteurs économiques.

Notre travail est de montrer que tout le monde a à y gagner, y compris vos lecteurs qui bénéficieront dans leurs départements respectifs de cette avancée d’un département d’outre-mer reproductible partout ! Et c’est pour cela que j’insiste : signez le Manifeste ici.

Lettre Alertes Santé : Quel accueil vous ont réservé les responsables politiques de l’île ?

Bernard Astruc : Nous leur avons posé à tous deux questions. Il y a 24 maires, 7 députés, 4 sénateurs et 2 députés européens.

Nous avons également écrit au Président du Conseil régional, au Président du Conseil départemental, et au président du Parc national de la Réunion qui couvre 42% du territoire de l’île.

Nous leur avons envoyé par écrit des lettres avec accusé de réception. Ils ne pouvaient pas dire qu’ils n’étaient pas au courant !

La question n°1 était :

Souhaitez-vous que La Réunion toute entière s’engage résolument sur la voie de l’agro-bio-écologie avec le double objectif :

• d’une agriculture 100% biologique relocalisée et autosuffisante,
• d’une alimentation traditionnelle saine, sûre, durable, pour tous, au juste prix.

La question n°2 était :

Si la réponse est oui, accepteriez-vous de participer, avec toutes les parties prenantes, institutionnelles, professionnelles, et citoyennes, à l’élaboration d’un grand Plan Stratégique Global (PSG) spécifique à l’île de La Réunion, destiné à faire de l’île le 1er département de France « 0 produit chimique – 100% biologique en autosuffisance alimentaire durable » ?

Ils ont tous répondu ! Ils ont dit oui et oui ! Certains ont accompagné leurs réponses de courriers de plusieurs pages !

Je les remercie pour leur enthousiasme et leur clairvoyance.

In fine, nous avons eu 97,5% de oui à la première question. Et 100% à la deuxième.

C’est presque l’unanimité ! Qui l’aurait cru en 2017 ?

Lettre Alertes Santé : Pouvez-vous nous rappeler quel est l’intérêt de transformer l’île de la Réunion en département – région 100 % Bio, 0 phyto ?

Bernard Astruc : Nous soulignons 7 avantages majeurs à développer l’agriculture biologique pour la Réunion et partout ailleurs :

Cela permettra de :

1. rétablir la fertilité des sols, très endommagée,
2. faire cesser la pollution de l’air et de l’eau,
3. préserver l’exceptionnelle biodiversité de l’île,
4. produire une alimentation saine et autosuffisante pour tout le monde,
5. créer du lien social et des emplois non délocalisables,
6. contribuer à l’activité économique et agro-touristique,
7. réduire le réchauffement climatique de moitié.

Lettre Alertes Santé : Quels sont les autres éléments du projet “Oasis Réunion” ?

Bernard Astruc : Grâce au projet, un groupe de travail pour la recherche du Taux Réel d’Autonomie Alimentaire Global (TRAAG) a été créé. Cette équipe a déjà mené  une enquête sur la consommation alimentaire des familles réunionnaises dans les quatre secteurs géographiques de l’île.

Le collectif a  également lancé deux sondages auprès de 500 habitants de l’île :

• Le premier a été réalisé en juillet-août 2020 sur le thème : « 7 questions simples pour tester votre perception de la réelle capacité de l’île à nourrir ses habitants »
• Le deuxième portait sur “la qualité de l’alimentation” et a été lancé au mois de novembre 2020.

Nous avons aussi œuvré pour pouvoir échanger, en tant que représentants des consommateurs, avec les haut-responsables de l’agriculture de l’île : Frédéric Vienne, agriculteur et président de la Chambre d’agriculture de la Réunion ; Serge Hoareau, président de la Commission “agriculture” du Conseil départemental et Pascal Augier, Directeur de la DAAF : la Direction de l’Alimentation, de l’Agriculture et de la Forêt, et nous les avons tous, longuement, rencontrés.

Bref, nous avons réuni le politique, l’économique et l’administratif !

Nous avons établi une « Radioscopie de La Réunion en 7 points capitaux ». Vous trouverez  sa présentation et l’ensemble de ses résultats ici. Ces éléments ont été très utiles pour faire avancer les discussions entre toutes les parties prenantes, y compris professionnelles (bio et non bio).

Lettre Alertes Santé : Et quelle est la prochaine étape ?

Bernard Astruc : Maintenant, il faut que les choses deviennent concrètes ! Nous allons suivre de près la transformation des fermes locales. Elles devraient toutes passer du modèle chimique au modèle biologique. 35 acteurs de l’industrie sucrière se sont déjà engagés en ce sens. Nous les aiderons en veillant à ce que les pouvoirs publics tiennent leurs engagements !

D’où l’urgence et l’importance d’appliquer le Plan Stratégique Global (PSG) proposé par Oasis Réunion pour atteindre l’Autonomie Alimentaire Durable.

Nous vous remercions encore vivement pour votre aide à y parvenir. Merci à tous ceux qui ont déjà signé. Les autres peuvent encore se joindre à nous en signant ici. Votre participation à tous est déterminante !

De même, nous tenons à remercier le Professeur Gilles-Éric Séralini – connu dans le monde entier pour ses études toxicologiques sur la nocivité des OGM et des pesticides sur le long terme – pour le texte de soutien aux objectifs d’Oasis Réunion qu’il vient de nous adresser¹. Il est l’auteur avec Jérôme Douzelet de l’ouvrage incontournable  L’Affaire Roundup à la lumière des Monsanto Papers.

La Réunion, et bientôt la France entière, a vocation à devenir un exemple pour toute la planète !

Lettre Alertes Santé : Merci Bernard Astruc.
 

Quelques chiffres sur l’île de la Réunion tirée de la RADIOSCOPIE  opérée par le collectif « Oasis Réunion » >> La VRAIE autonomie alimentaire de l’île serait de 1%. Cela veut dire que pour 1 kg d’aliments consommés, seuls 10 grammes ont réellement été produits sur l’île. >> La population en 2020 est de 900 000 habitants, touristes compris. Elle pourrait atteindre 1 million de personnes en 2030. >> 500 000 tonnes d’aliments solides ont été consommés à la réunion en 2020, ce qui inclut le gaspillage qui représenterait 15% de ce qui est consommé. >> La surface agricole utilisée (SAU) est inférieure à 50 000 hectares, soit moins de 20% de la surface de l’île ; >> 50% de cette surface est dévolue à la culture agrochimique de la canne à sucre. >> 10% de la surface agricole utilisée sert à produire des fruits, des tubercules et des légumes ; >> 5000 hectares sont consacrés aux cultures vivrières et 11 000 hectares à l’élevage. Cette surface permet de produire 130 000 tonnes de nourriture. Cela représente environ 20% de la nourriture consommée sur l’île. Mais cette production dépend lourdement des importations de pesticides et d’engrais et ne pourrait pas perdurer en cas d’embargo.